L’œuvre Le défricheur fut inspirée à l’artiste après la lecture d’un passage du livre Au portique des Laurentides, d’Arthur Buies, journaliste, pamphlétaire, anticlérical virulent qui s’est rallié à la cause de la colonisation du curé Labelle. Publié en 1891 — année de la mort du prêtre colonisateur —, le livre décrit avec la plume à la fois poétique et crue de Buies, le territoire situé au nord de Saint-Jérôme et ses sombres forêts séculaires auxquelles devait se mesurer le colon avec comme seules armes une hache, une bêche, une pioche et de maigres provisions : « Il faut voir ces forêts s’étendant à perte de vue, au milieu de pays montagneux, durs, en quelque sorte inhabitables, jusqu’à des limites encore inconnues ou que l’imagination ne se représente que dans un lointain inaccessible, pour se faire une idée de ce que c’est que l’homme seul, au milieu de cette immensité qui ne lui présente que des obstacles, des privations de tout genre, la lutte partout, un combat continuel contre la nature et pour la nature, des découragements semés à chaque pas, des travaux souvent rendus inutiles par des contretemps et des accidents multipliés, de maigres récoltes perdues, des attentes de secours trompées, la misère prenant chaque jour une figure nouvelle L’œuvre Le défricheur traduit en image ce passage du Portique des Laurentides. Dans son univers pictural s’inspirant de l’art anthropomorphe, Dominique Beauregard représente les colons sous les traits de renards, infatigables, tenaces et rusés. L’œil averti notera la présence de symboles venant appuyer la scène : le chêne qui représente à la fois la force morale du défricheur, les obstacles et la récompense par ses fruits. Les trois œufs rappellent la fécondité et la promesse de jours meilleurs. Le bois couché illustre les embuches qui entravent la marche du colon qui porte un foulard bleu, symbole du Canadien français.
Le défricheur
[…] voilà ce que c’est que la vie du défricheur, de ce colon solitaire, infatigable, héroïque et inflexible à qui nous devons d’être ce que nous sommes, à qui le Canada tout entier doit son existence, et cela depuis trois cents ans ! »